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Des hashtags à Nomadland : une brève histoire du vanlife (Partie 2 : 2000–aujourd’hui)

Posté le03/09/2025 par

En 2021, les immatriculations de vans aménagés ont atteint des records en Europe — en hausse de 24 % au niveau mondial — alors que des millions de personnes échangeaient leur bureau pour quatre roues et des horizons infinis. Mais ce n’était pas seulement une tendance liée à la pandémie : c’était l’aboutissement d’un voyage de 60 ans, de la rébellion hippie au nomadisme digital.

À la fin des années 1990, les campervans et camping-cars étaient partout. Les Européens emmenaient leurs VW T4 et Sprinter aux festivals de musique, les familles américaines parcouraient les autoroutes dans leurs Winnebagos, et les bricoleurs transformaient des utilitaires d’occasion en maisons roulantes. Le vanlife était familier — mais pas encore un mouvement de société. Tout allait changer avec l’arrivée d’Internet, des réseaux sociaux et d’une nouvelle génération de voyageurs en quête d’une alternative plus authentique que le duo bureau-banlieue.

Les racines du « Hippie Bus »

La philosophie actuelle du vanlife s’inspire largement de l’ère des bus hippies des années 1960, quand l’odeur du patchouli se mélangeait à celle de l’huile moteur et que le claquement d’une porte coulissante signifiait liberté. À l’époque, le VW Type 2 — recouvert de fleurs, de signes de paix et de slogans de protestation — devint le symbole du refus de la société. Il s’agissait de rejeter le conformisme, de créer des communautés nomades et de défier le courant dominant.
Le vanlife moderne partage cette soif d’aventure mais a évolué vers quelque chose de plus complexe : moins « quitter » la société, davantage « s’y brancher autrement ». Aujourd’hui, il s’agit de design intelligent, d’autonomie, de durabilité et de liberté de travailler, voyager et vivre selon ses propres termes. Si les hippies utilisaient les vans pour échapper à la société, les vanlifers actuels les utilisent pour réécrire la façon d’y vivre — transformant leurs feeds Instagram en sources de revenus et les parkings en bureaux.

Années 2000 — Le DIY passe au digital

Au tournant du millénaire, le vanlife a connu un nouvel élan grâce à la technologie qui allait transformer le nomadisme pour toujours. Les panneaux solaires abordables et les premiers accès Internet mobiles ont rendu possible le travail à distance sur la route. Le bruit du modem a laissé place au ronronnement des générateurs alimentant des ordinateurs portables dans des campements désertiques.
Les forums en ligne, les premiers blogs et des communautés comme Sprinter-Source ont rassemblé les bricoleurs, échangeant plans électriques, aménagements intérieurs et conseils de voyage. Ces pionniers numériques partageaient fièrement leurs intérieurs lambrissés de cèdre ou leurs premières installations solaires réussies, jetant les bases de la communauté vanlife actuelle.

Icône : Le Mercedes-Benz Sprinter (2e génération, 2006) devint la toile blanche des vanlifers : toit surélevé, moteurs diesel efficaces et beaucoup d’espace pour cuisines et couchages. En Europe, les VW T4 et T5 entretenaient la scène surf, tandis qu’aux États-Unis les familles testaient les camping-cars compacts de classe B plutôt que les énormes RV. Sur fond de hausse des coûts du logement, de plus en plus de créatifs cherchaient des solutions mobiles.

Années 2010 — L’essor de #Vanlife

Le tournant eut lieu en 2011, quand le designer-surfeur Foster Huntington quitta son poste chez Ralph Lauren, acheta un VW Syncro et commença à partager ses photos sous le hashtag #vanlife. Ses images de cafés au lever du soleil et de feux de camp au crépuscule devinrent virales, inspirant des milliers d’autres à prendre la route. Son livre-photo Home Is Where You Park It (2014) fixa l’esthétique : couchers de soleil cadrés par des portes de van, planches de surf sur le toit, guirlandes lumineuses réchauffant des intérieurs douillets. En 2024, #vanlife comptait plus de 6,5 millions de publications sur Instagram.
Sur YouTube, Kombi Life montrait des années passées dans un vieux VW cabossé — la réalité brute derrière la magie Instagram. Des couples comme Eamon & Bec ou Max & Lee apportaient une touche cinématographique, leurs drones et time-lapses transformant l’aménagement de vans en poésie visuelle. Instagram se remplit de Sprinters posés sur des cols de montagne, de cafés fumants et de couchers de soleil qui rendaient tout possible.
Le vanlife était devenu grand public — non plus seulement une façon de voyager, mais un style de vie aspirant à libérer des incertitudes économiques de la crise de 2008 et des carcans d’une carrière traditionnelle.

Repère culturel : Le documentaire The Bus (2011) retraçait la transformation du VW Combi, de van hippie à icône moderne, tandis que le film Little Miss Sunshine (2006) nous laissa l’image inoubliable d’une famille trouvant le lien à travers le chaos dans un VW jaune.

Années 2020 — Boom (et limites ?)

La pandémie de 2020 a propulsé le vanlife à un niveau inédit, transformant ce qui était alternatif en essentiel. Avec les avions cloués au sol et le télétravail généralisé, les ventes et locations de vans ont explosé. Pour beaucoup, l’argent économisé sur les vacances ou restaurants a été investi dans un utilitaire vide et des kits d’aménagement — le projet parfait de confinement. Le van est devenu à la fois refuge et bureau mobile — les appels Zoom ayant soudain pour arrière-plan des montagnes plutôt que des murs de chambre.
Mais ce boom a aussi révélé les contradictions du vanlife. Les kits modulaires « plug-and-play » abaissaient la barrière d’entrée, permettant à des néophytes du week-end de rejoindre le mouvement. Mais les nomades de longue date voyaient leurs spots secrets transformés en lieux Instagram, et les réfugiés du logement croisaient les aventuriers aisés sur les mêmes routes désertiques. Des applis comme Park4Night — pratiques certes — ôtaient une part de hasard et de découverte, transformant l’exploration en commodité algorithmique.
Des entreprises de Californie au Pays basque français — dont Simple Vans — ont apporté la qualité d’usine aux clients DIY, tandis que le coût environnemental de la fabrication interrogeait de plus en plus : durabilité ou consommation ?
 
Repère culturel : Nomadland (2020), adapté du livre de Jessica Bruder (2017), montrait une vision plus sombre et honnête : des Américains âgés contraints de vivre en vans par nécessité économique, trouvant une dignité sur la route. Le film remporta l’Oscar du meilleur film, preuve que le van était devenu à la fois symbole de liberté et de précarité.

Icône : Le VW ID. Buzz (électrique, 2022) esquisse le prochain chapitre, mêlant nostalgie flower-power et zéro émission. Les e-Sprinter et Ford e-Transit suivent, promettant une nouvelle ère de vanlife solaire et durable.

Aujourd’hui et demain

Le vanlife d’aujourd’hui est fait de contradictions magnifiques — romantique et pragmatique, escapiste et entrepreneurial, nostalgique et futuriste. C’est à la fois un rêve YouTube promettant l’aventure infinie et une solution concrète de logement pour ceux exclus du marché immobilier. Le même van peut accueillir un télétravailleur à six chiffres comme un saisonnier vivant de petits boulots.
De Foster Huntington et son hashtag à l’Oscar de Nomadland, des panneaux solaires alimentant des ordinateurs aux vans électriques annonçant des errances durables, le vanlife est devenu une culture mondiale qui reflète notre rapport complexe au travail, au foyer et à la liberté.
L’horizon sans fin prend aujourd’hui plusieurs sens : promesse infinie pour certains, incertitude sans fin pour d’autres. Comme les bus fleuris des années 1960, les Sprinters modernes et les VW Buzz d’aujourd’hui promettent la même chose que leurs prédécesseurs — mais dans un monde où la route elle-même a changé, et où la liberté ne ressemble plus à ce qu’elle était quand l’essence coûtait 30 centimes et que l’on pouvait camper partout gratuitement.
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