Des roulottes aux Volkswagen : une brève histoire du vanlife (Partie 1 : 1900–2000)
Les humains sont fondamentalement des créatures agitées – notre ADN vibre littéralement de soif d’aventure. Nous avons été nomades pendant la majeure partie de notre existence, et même après nous être installés dans des villes et des banlieues, quelque chose nous pousse toujours à reprendre la route. Et depuis plus d’un siècle, nous poursuivons l’horizon en camping-cars.
Au début du XXe siècle, cet élan s’est divisé en deux voies : les maisons mobiles, héritières des roulottes colorées des communautés roms d’Europe qui abritaient des familles entières en mouvement, et les véhicules de loisirs, conçus pour l’aventure et l’évasion. Aux États-Unis, les premiers camping-cars étaient des jouets luxueux pour les riches, tandis qu’en Europe, des fourgons compacts devinrent des foyers pratiques pour les explorateurs.
Le XXe siècle fut un immense laboratoire de design pour les camping-cars. Chaque décennie apporta une nouvelle interprétation : parfois excentrique, parfois pratique, et parfois révolutionnaire. Pour comprendre comment ce mouvement a évolué, faisons un voyage décennie par décennie — une chronologie qui retrace comment l’habitat mobile est passé de hobby de nantis à symbole contre-culturel, puis à phénomène de masse. Chaque époque eut son véhicule iconique et son mouvement marquant, de la débrouille de la Grande Dépression à la prospérité d’après-guerre, jusqu’à la rébellion hippie.

Années 1910 — Les premiers camping-cars
À la base, des familles ordinaires transformaient déjà le châssis de la Ford Model T en campeurs rudimentaires, avec toits en toile, couchettes pliantes et cuisines improvisées. Ces modestes aménagements DIY rendaient le voyage routier accessible à la classe moyenne aventureuse. À l’autre extrême, les carrossiers réalisaient de magnifiques camping-cars sur mesure à ossature bois. Un exemple notable est le Ford Model T Motor Caravan de 1914 (illustré, en haut à gauche), considéré comme le plus ancien camping-car encore existant : basé sur un châssis de Model T renforcé, il reçut une véritable caisse en bois construite par Dunton de Reading pour une riche famille britannique.

Années 1920 — Les « Tin Can Tourists »
Aux États-Unis, les Tin Can Tourists, fondés en 1919, rassemblèrent des milliers de voyageurs convertissant bus et camionnettes en campeurs, comme le KampKar basé sur une Ford T de 1921. En Europe, les premiers aménagements allemands — souvent sur châssis Opel ou Mercedes — proposaient lits pliants et petits réchauds, répondant à l’intérêt croissant de la classe moyenne pour le voyage routier. Les communautés nomades se multiplièrent, et le club américain atteignit 17 000 membres dès 1921. Côté luxe, le Pierce-Arrow Fleet “Privateer” Housecar de 1928 (illustré) proposait carrément salle de bains et terrasse arrière.

Années 1930 — Entre luxe et débrouille
Au Royaume-Uni, le capitaine Dunn fit construire en 1935 un camping-car Pontiac Six (illustré), pièce unique avec kitchenette, four à gaz et lit escamotable, mêlant confort et fonctionnalité. En parallèle, la Grande Dépression poussa nombre de familles vers des conversions artisanales, utilisées pour voyager à la recherche de travail. Aux États-Unis, la Hunt Housecar (illustré) fut l’un des premiers camping-cars à intégrer des sanitaires, jetant un pont entre automobile et véritable maison roulante.

Années 1940 — Déplacements et reconstruction
Après la Seconde Guerre mondiale, d’anciens soldats américains transformèrent des véhicules militaires en camping-cars, mus par une soif de liberté. De son côté, GM présenta le spectaculaire Futurliner (1939/40), géant de l’exposition itinérante « Parade of Progress », dont l’audace inspira le design RV. En France, les campeurs bricolèrent des tentes de toit sur Citroën pour des escapades économiques.

Années 1950 — La naissance du campervan moderne
Lancé en 1950, le VW Transporter Type 2 (T1) devint le prototype du fourgon aménagé moderne. Aménagé dès 1951 par Westfalia, le célèbre « Splitty » offrait banquette-lit, table pliante et rangements. Au Royaume-Uni, le Bedford CA Dormobile de 1957 perfectionna le toit relevable, tandis que les conversions de Morris Minor proposaient une véritable option « micro-camper » — ensemble, ces modèles rendirent le campervan accessible à la classe moyenne.

Années 1960 — L’explosion hippie
La contre-culture des deux côtés de l’Atlantique adopta la vie en van comme rejet du conformisme suburbain, embarquant vers le Maroc, l’Inde et au-delà. Le Volkswagen Type 2 “Bus” abandonna son rôle de simple van familial pour devenir mi-moyen de transport, mi-icône contre-culturelle. En France, les Renault Estafette — petits fourgons à traction avant lancés en 1959 — représentaient l’alternative abordable au Westfalia. Aux États-Unis, le Ford Econoline (1966), avec son design cubique et son espace généreux, séduisit les adeptes de conversions artisanales.

Années 1970 — Entre précision et personnalité

Années 1980 — L’essor du confort
Aux États-Unis, les camping-cars Fleetwood popularisèrent les modèles de Classe A familiaux, spacieux et fonctionnels. En Europe, la Hymer B-Class “Hymermobil” affina le concept du camping-car intégré, combinant luxe et compacité avec lits escamotables et cuisines modernes. Pour les bricoleurs, le Mercedes-Benz TN (introduit en 1977) devint le fourgon aménagé par excellence — fiabilité allemande au service du voyage, capable de franchir aussi bien les cols alpins que les pistes marocaines.

Années 1990 — Culture de l’aventure
En 1990, le VW Transporter (T3) à moteur arrière tira sa révérence, mettant fin à une lignée débutée en 1950, remplacé par le T4 à moteur avant. L’arrivée du Mercedes-Benz Sprinter (1993) inaugura une nouvelle génération de vans rapides, spacieux et modernes, idéaux pour de grandes conversions. Les vans compacts japonais gagnèrent aussi du terrain : le Toyota Campmate et le Mazda Bongo devinrent populaires auprès des aventuriers du monde entier. La culture outdoor adopta ces utilitaires pour le surf, le ski ou l’escalade, tandis que les festivals européens engendrèrent une scène nomade suivant les groupes de Glastonbury à Roskilde.